Souvenirs d'une nouvelle vie
La semaine de travail vient de se terminer. Emma rentre chez elle et il est tard comme d’habitude. Le bruit des clés dans la serrure, de ses talons sur le plancher, elle se jette sur le canapé et fait voler ses chaussures sur le sol. 21h, la flemme de se faire à manger, elle roule sur le dos et se détend un moment. Au bout d’un an, elle reste toujours étonnée par le calme de cet appartement pourtant situé en plein cœur du centre ville. Un an déjà… Un an qu’elle a posé ses valises. Nouvelle ville, nouveau boulot, nouvel appartement, nouvelle vie.
De l’ancienne, elle n’a gardé que le minimum, certains souvenirs qui lui tenaient à cœur. Mais elle s’est débarrassée de tout le reste. Sa mère et sa meilleure amie sont les seules à avoir son nouveau numéro, son adresse et un double de ses clés. Elle a supprimé tout ce qui la rattachait à son ancien réseau social et amical, et a disparu sans prévenir. Elle sait bien que certains se sont inquiétés et que peu ont tout fait pour la retrouver. Elle sait le mal qu’elle a pu faire, mais elle sait aussi que pour tous, cela était nécessaire. Et finalement, elle est persuadée qu’elle ne manque à personne.
Enfin un peu de courage, elle file dans la cuisine, glisse un plat dans le micro-onde sans même regarder et enclenche la minuterie. Pour patienter, Emma rejoint la salle de bain pour se changer et dépose un à un ses vêtements dans le panier à linge. La peau lui tire et elle se force une fois de plus à se regarder dans le miroir. Si elle était honnête avec elle-même, elle avouerait qu’elle n’a jamais été aussi jolie qu’en ce moment, pour le peu qu’un sourire vienne illuminer son visage.
Mais les stigmates de ces opérations ne cessent à ses yeux de ternir son image et à peine la crème appliquée sur ses cicatrices, elle se glisse dans ses vêtements trop grands pour se cacher une fois encore. Même si ses cicatrices restent minimes, elle ne les supporte pas. Sa poitrine était sa seule fierté et elle s’en trouve maintenant privée. Mais au moins, elle est presque la seule à savoir ce qu’elle vit et c’est bien ce qu’elle cherchait.
Personne pour s’inquiéter de ce qui peut lui arriver et personne pour pleurer si son dernier bilan n'est pas bon. Mais aussi, personne pour se réjouir si ce n’est pas le cas. A choisir, elle préfère ne pas risquer d’attrister qui que ce soit. Solution de facilité ou réelle envie d’épargner ses proches ? Elle ne le sait pas elle-même mais elle a fait le choix qui dérangerait le moins son entourage, comme elle l’a toujours fait.
La sonnerie retentit dans la cuisine, elle ne prend même pas la peine de s’asseoir et engloutit ses lasagnes debout, adossée au frigo. La vaisselle est vite faite et, pendant que le café coule, elle prépare son coin pour la soirée : fauteuil, bouquin et cigarettes. C’est bien à ça que se résument ses soirées et la majeure partie de ses nuits. Elle ne sort jamais ou quand elle s’en sent obligée pour ne pas vexer ses collègues, seuls rapports humains de ses journées.
Emma hésite à prendre sa couverture car il fait encore bien chaud ce soir, mais se connaissant frileuse la dépose tout de même sur le fauteuil. Sa tasse remplie à ras bord, elle s’installe confortablement et, emmitouflée, reprend son roman là où elle l’avait laissé le matin même. Cigarette après cigarette, tasse après tasse, les pages défilent devant ses yeux et elle se déconnecte de ce qui se passe autour d’elle. Au fur et à mesure que le temps passe, et après s’être débarrassée de sa couverture, elle retire une couche de vêtement après l’autre sans s’en rendre compte, absorbée par son récit mais dépassée par la chaleur de la nuit. Il faut dire que ce mois de juin est particulièrement chaud et que les 35° à presque minuit sont vraiment de trop.
Vers 1h, elle sursaute. Son livre vient de tomber au sol, elle s’est endormie sans s’en apercevoir. Elle a beaucoup trop chaud, et la tête complètement embrumée, part prendre une douche pour se rafraîchir. Elle se sèche rapidement et ne prend pas le temps de ramasser les derniers vêtements semés le long du chemin pour se rhabiller. A peine la tête posée sur son oreiller, elle se rendort.
Chaud, il fait si chaud... Ses rêves défilent, tous oubliés aussi vite qu'elle entrouvre les yeux. Son sommeil est agité, elle n'arrive plus vraiment à faire une nuit complète depuis longtemps. Ses souvenirs, tout ce qu'elle oublie à longueur de journée, envahissent son esprit à peine les yeux fermés. Elle est hantée par ses proches, qui malgré ce qu'elle peut dire, lui manquent cruellement.
Et encore une fois, Emma se réveille les yeux remplis de larmes. Elle tend le bras et ne le trouve pas près d'elle. Elle pourrait presque sentir sa présence tant ses rêves lui semblent réels. Tellement réels qu'elle s'est régulièrement réveillée avec l'impression que sa bouche venait de quitter la sienne. Il est la seule raison qui aurait pu la faire rester. Ils ne s'étaient rien promis et c'est en toute logique qu'elle a décidé de le protéger d'elle, malgré lui. Il doit penser qu'elle a trouvé un autre homme et qu'elle n'a pas eu le courage d'assumer ses actes. Et c'est bien mieux comme ça.
6h, la lueur de la lune éclaire faiblement la pièce mais assez pour y voir clair. Voyant l'heure, elle referme les yeux et se retourne une énième fois. Une légère brise sur sa peau la fait frissonner et elle se glisse sous ses draps.
Un bruit de clés dans la serrure et de pas dans l'entrée. Une ombre se déplace dans cet appartement à moitié vide, juste équipé du minimum pour y vivre. L'homme dépose son sac dans le salon et regarde ébahi autour de lui. Il n'a jamais rien vu d'aussi impersonnel de sa vie, comme si elle était prête à fuir encore une fois. Il se dirige vers la porte de ce qu'il suppose être la chambre et la main sur la poignée s'arrête net. Et si, elle n'avait pas envie qu'il la retrouve? A-t-il eu raison de se battre à ce point pour obtenir son adresse et ses clés, si c'est pour qu'elle le repousse? Et si, elle n'était pas seule dans ce lit?
Non! Il n'a pas fait tout ce chemin pour faire marche arrière! Lentement, il tourne la poignée et ouvre la porte sans bruit. A nouveau, il se fige. Oui elle est bien là, et seule comme sa meilleure amie l'avait dit.
La lune baigne la pièce de sa lumière et fait ressortir la blancheur de sa peau au milieu de ses draps sombres. Il en a le souffle coupé et le coeur prêt à exploser. Son parfum emplit la pièce et il s'étonne de frissonner comme avant quand il retrouvait son odeur. Comment la réveiller en douceur sans qu'elle ne le prenne pour un quelconque agresseur?
Après avoir retiré ses chaussures, il s'allonge près d'elle le plus discrètement possible et ne résiste pas à l'envie de faire glisser ce drap qui la sépare encore d'elle. Elle tremble alors que lentement il la découvre jusqu'au bas du dos. Sa main vient retrouver sa peau qu'il parcourt de son cou à ses reins en suivant sa colonne. Son cœur explose lorsqu'il retrouve sa douceur, celle-là même qu'il adorait sentir contre sa peau. Il se rapproche encore, cette fois ci-pour déposer un baiser sur son épaule. Il sursaute, à son contact sa belle a réagi et elle se tourne vers lui. Le temps lui parait une éternité pendant que le corps de sa bien aimée chavire sur le dos. Et une fois face à sa belle endormie, son bonheur se met vite à couler le long de ses joues.
Elle est encore plus belle que lors de leur dernière rencontre. Son visage n'a pas changé même si elle semble exténuée, ses cheveux sont beaucoup plus courts mais elle est toujours aussi jolie à ses yeux. Il détaille du regard chaque centimètre de sa peau et ses doigts ne tardent pas à venir redécouvrir celle qu'il avait déjà tant aimé. Ses mains et ses lèvres glissent sur sa peau et la frôlent, elle est plongée dans ses rêves mais elle réagit cependant. Des frissons parcourent sa peau à l'endroit même où il la caresse. Dans un élan de manque et d'envie, il l'attire à lui et dépose ses lèvres sur les siennes.
Toujours ce rêve… Pourquoi n'arrive-t-elle pas à oublier? Louis vient toutes les nuits se rappeler à elle, comme si elle espérait qu'il la rejoigne et qu'elle revivait sans cesse leur retrouvailles. Ses rêves à chaque fois si identiques mais toujours un peu différents, ne lui avaient jamais paru aussi réels que cette nuit. Les sensations de ses lèvres sur les siennes et du fait qu'on vient de l'empoigner s'emparent d'elle. Ses yeux s'entrouvrent alors qu'elle respire ce parfum qui lui plait tant. Profiter de ce rêve une fois de plus, se laisser aller à ses divagations… Après tout quel mal à cela? Emma serre Louis contre elle et leurs langues se retrouvent dans une danse langoureuse et câline. Un baiser qui aurait pu être sans fin, si l'envie de goûter à nouveau au plaisir de leurs corps réunis ne les prenait pas quelques instants plus tard.
Louis est allongé près d'elle, son regard la transperce et son sourire est splendide. C'est la première fois qu'elle le rêve avec les larmes aux yeux. Elle se rapproche de lui et vient embrasser chacune de ses perles d'eau salée pour l'apaiser. Et par réflexe, elle vient couvrir sa poitrine de son drap. Non vraiment, ce détail n'a jamais changé au cours de ces illusions nocturnes…
"Non!" Louis ne l'entend pas de cette oreille. Il envoie valser le drap aux pieds du lit et saisit les poignets de sa bien aimée. Les remontant au dessus de sa tête, Emma n'ose bouger, pétrifiée par l'idée que malgré la pénombre il voit les traces qu'elle porte honteusement et par le regard déterminé qu'il plonge dans le sien. Il approche sa bouche de son visage et lui murmure à l'oreille les mots qu'elle veut entendre : "Mon amour, tu es toujours aussi belle, aussi désirable, rien ne changera la façon avec laquelle je te vois… Tu en as honte mais je ne vois que toi… Je t'aime Emma!". Mais va-t-elle y croire cette fois-ci? Ce rêve est si réel, sa bouche dans son cou qui la fait frissonner, sa peau contre la sienne qui la réchauffe comme jamais depuis des mois…
Tellement fort ce qu'elle ressent! Elle décide de se laisser guider par le nouveau tournant que prend son songe. Inhabituel mais tellement délicieux. Louis parcourt ses épaules de baisers, il se fait tendre pour apprivoiser sa belle à nouveau. Il l'effleure, la goûte et la cajole. La belle ronronne sous ses mains. Il a envie d'elle, besoin de retrouver la chaleur de ses reins et la candeur de leur amour. L'a-t-elle compris? Emma retire un à un les boutons de sa chemise avant de la faire glisser loin d'eux, son jean ne tardant pas à l'y rejoindre. Elle sourit, car à son habitude, il ne porte rien de plus sur lui.
Nus l'un contre l'autre, ils se découvrent à nouveau mais leurs corps se souviennent pour eux de ce qu'ils aiment. Et il ne faut pas longtemps pour que le premier gémissement se fasse entendre. Un coup de dents inattendu dans le cou d'Emma, alors que Louis se fait surprendre par les griffes de sa douce dans son dos. Le temps s'arrête, seuls dans leur bulle, ils s'aiment comme au premier jour. Leurs envies sont bien présentes et ils font chacun durer le supplice de l'autre, positionnés dans le 69 qu'ils apprécient tant. Leurs langues glissent, tournent, lapent. Leurs mains caressent, griffent, pincent. Emma cherche à le rendre fou, promenant sa langue tout le long de son sexe, saisissant ses bourses entre ses lèvres, entamant des va et vient parfois doux, parfois intenses. Mais malgré tous ses efforts il lui résiste! Il veut la combler, et l'aimer comme il aurait voulu le faire ces derniers mois. Louis déguste sa belle trempée d'excitation et ses doigts viennent rejoindre sa langue pour la rendre folle de plaisir. Chaque mouvement en elle résonne dans tout son corps. Ses doigts s'amusent, s'arrêtent, sont remplacés par une langue joueuse ou un souffle chaud. Louis lui tire rapidement un premier orgasme, foudroyant... Emma ferme les yeux et se laisse envahir par le plaisir qui lui a tant manqué. Comme observatrice de son propre rêve, elle ne cesse de se répéter que tout a l'air si réel… Si troublant…
Louis s'allonge sur le dos et attire Emma contre lui. Pour faire tomber toutes ses barrières, il embrasse son cou, ses épaules, sa poitrine avec une infinie douceur. Leurs intimités se frôlent, se tentent et se retrouvent dans un coup de rein à peine intéressé de la belle. Un seul gémissement résonne alors dans la chambre. A l'unisson, les amoureux ont laissé échapper leur plaisir de se retrouver et leur danse sensuelle ne s'arrête plus. Emma a pris le dessus et écoute chaque réaction de son homme aux caresses qu'elle lui prodigue. Elle embrasse, griffe, mord son torse. Leurs mains se rejoignent et se serrent. Ils ne se lâchent plus du regard. Louis résiste tant qu'il peut mais ce plaisir qu'elle lui offre lui avait trop manqué. A son tour, tout explose, sa tête, son cœur, son corps… Avant de perdre complètement ses esprits, ses doigts viennent tantôt jouer avec le bouton fièrement dressé d'Emma, tantôt la fouiller avec une infinie douceur. Elle ne tarde pas à jouir une seconde fois, se laissant tomber contre son torse. Leurs lèvres se retrouvent dans un baiser amoureux et rassuré. Heureux et perdus dans ce plaisir immense, ils s'endorment serrés l'un contre l'autre comme pour éviter de se perdre à nouveau.
Une fois de plus, elle se réveille seule dans son lit, la tête encore pleine des images de la nuit. Tout lui a paru si réel qu'elle a même l'impression de sentir son parfum dans la pièce. La peau de son cou la tiraille tellement, qu'elle pourrait s'imaginer y trouver la marque des crocs de l'homme qui a hanté ses rêves. Elle cherche du courage pour sortir un pied du lit, mais les volets bien fermés la laisse dans une obscurité totale, ce qui pourrait la laisser traîner là encore des heures. Etonnant, car elle ne dort jamais dans le noir total. Ce matin, quelque chose est différent, elle se sent si bien, le même bien-être qu'elle connaissait dans sa vie d'avant. Mais surtout, la musique dans le salon et la douce odeur de café qui envahit peu à peu la chambre la font bondir de son lit.
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